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Gasiorowski

Posted on September 24 2012, 13:05pm

Categories: #isabelle goude

Gérard Gasiorowski est un plasticien contemporain français né à Paris le 30 mars 1930 et mort à Lyon le 19 août 1986. Une exposition lui est dédié à la Fondation Maeght à St Paul de Vence jusqu'au 26 septembre 2012.

Gérard Gasiorowski "La ligne infinie", 1985, Acrylique et feuille d'or sur toile, 100 x 100 cm

Gérard Gasiorowski "La ligne infinie", 1985, Acrylique et feuille d'or sur toile, 100 x 100 cm

Gérard Gasiorowski "Autoportrait", 1977, acrylique sur papier, 29.5 x 36.8 cm

Gérard Gasiorowski "Autoportrait", 1977, acrylique sur papier, 29.5 x 36.8 cm

Gasiorowski, l'insaississable

LE MONDE / 25.08.2012

Au visiteur non préparé, toute rétrospective de Gérard Gasiorowski -celle de la Fondation Maeght comme celles qui l'ont précédée- propose une surprise considérable : d'une salle à l'autre, et même d'un mur d'une salle à celui qui lui fait face, les oeuvres sont si différentes que l'on pourrait croire qu'elles sont de plusieurs artistes, et qu'elles ont été regroupées par erreur. Rien de tel.

Ces toiles, dont certaines sont moins des peintures que des dessins et dont d'autres s'étirent sur des rouleaux de plusieurs mètres de long, sont toutes de Gasiorowski. Mais non seulement celui-ci refusait de s'inscrire dans un mouvement ou un style, mais encore il a fait de ce refus le principe même de sa création. Ce qui peut s'énoncer autrement : se déplacer sans cesse, ne pas être où on l'attend, demeurer insaisissable, comme un spectre qui hanterait le musée universel. .../...

Gasiorowski : l'histoire de la peinture récapitulée

LE MONDE | 26.07.2012

Pour comprendre ce qu'il est advenu de la peinture en France dans le dernier tiers du XXe siècle, on ne voit pas quelle oeuvre et quelle vie conviendraient mieux que celles de Gérard Gasiorowski (1930-1986) telles que les présente sa rétrospective à la Fondation Maeght. C'est une histoire de passion comblée, déçue, profanée et, in extremis, sauvée. Mieux qu'une histoire : une parabole, une fable.

Il est donc, à 20 ans, en 1950, à Paris, un jeune homme fort épris d'art, formé à ses subtilités techniques et instruit par les musées et les galeries. Mais ce qu'il découvre dans celles-ci le désappointe. Il n'a nulle envie de devenir l'un des innombrables peintres de l'abstraction à la mode du temps. Peu porté au compromis par tempérament, il décide, en 1953, de mettre un terme à l'expérience : il ne peindra plus.

Ouvrier bronzier d'abord, il est engagé, en 1960, par l'agence de publicité Delpire et s'immerge dans un bain de photographies. En 1964, toute curiosité n'ayant pas disparu, il voit dans la galerie d'Ileana Sonnabend des Warhol et en déduit que, si peinture il peut y avoir encore, ce doit être en relation avec la photographie. Sans le savoir, il se trouve alors d'accord avec Gerhard Richter, qui n'a que deux ans de moins que lui, et avec Malcolm Morley, qui est né, lui, en 1931. A leur insu, ils forment un trio cohérent : exactement contemporains, parfaitement à l'aise avec leurs instruments, également conscients que le monde dans lequel ils vivent est saturé d'images, ils décident de les transposer sur la toile.

Morley s'y applique en couleur. Les deux autres préfèrent les grisailles. Richter efface légèrement les formes. Gasiorowski procède par couches minces, évanescentes. Il vide de l'intérieur le motif de sa densité, quand Richter le brouille. Pendant six ans, Gasio - diminutif autorisé par lui-même - accumule les toiles de la série L'Approche : portraits, nus, paysages. Magazines pornographiques, albums de famille, presse d'actualité l'approvisionnent en clichés. Aux deux sens du mot : clichés photographiques comme il en a manipulé des milliers chez Delpire, mais aussi représentations stéréotypées qui se prêtent à la sociologie. Justement, en 1965, Pierre Bourdieu et Luc Boltanski font paraître la première édition d'un livre au titre fait pour Gasio : Un art moyen, essai sur les usages sociaux de la photographie. L'histoire des idées et la peinture vont au même rythme.

La notoriété croît, il commence ses "Croûtes"

Si ce n'est que le peintre se fatigue d'agrandir des images. Vers 1970, sa notoriété croît d'autant mieux qu'il est assimilé au courant hyperréaliste. Mais ce succès ne saurait être pour lui une raison de persister dans son procédé. A force d'amincir la représentation, il n'en conserve que des dessins à peine perceptibles. Dans la série Les Aires, il ne reste qu'une ou deux virgules, un ou deux points. En 1974, l'exposition de ces quasi- monochromes blancs ne lui vaut guère d'approbation.

Encore ne sait-on pas que, depuis le début de la décennie, le virtuose de la grisaille photographique et de la pâleur élégante se livre à des exercices grossiers et criards, Les Croûtes, qui méritent leur titre, puisque ce sont des pastiches de chromos, soleil couchant derrière l'Arc de triomphe et pittoresques villages de France. C'est peint à grands gestes, avec des couleurs lourdes et vives.

Décidément, pense Gasio, la peinture est mal partie, coincée entre les images des journaux et les cartes postales. Et écrasée par son glorieux passé, ses grands maîtres, ses chefs-d'oeuvre. Giotto, Manet, Cézanne, Picasso, les abstraits.

Vers 1974 s'ouvre le temps de la destruction et, de façon symbolique, il entreprend la série La Guerre, installations de jouets cassés et maculés, toiles barbouillées et insultées à coups d'empâtements et de coulures. Pendant près d'une décennie, son oeuvre se place sous les signes de la dérision, de la parodie, du grotesque. Il dessine avec des jus d'excréments. Il invente une académie grotesque, dont il est à la fois le directeur féroce et le mauvais élève.

Exemple de ces jeux masochistes : dessiner une variation très adroite dans la manière de Picasso dans les années 1930, puis la biffer d'un "Refusé" méprisant. Ou se donner des sujets sans intérêt, chapeaux ou pots de fleurs. Ou commencer avec grâce un paysage dans le genre de Cézanne vers 1880 et le maculer de flaques et de lignes de gris épais. La peinture s'autodétruit, s'enterre vivante. Dans ces années, l'artiste n'expose plus guère et vit à l'écart. Le mot crise est faible pour caractériser sa fureur sacrilège.

Une amitié ancienne avec Adrien Maeght

Si ce n'est que Gasio, comme tout martyr digne de ce nom, est promis à la résurrection - et sa peinture avec lui. Quand tout est en morceaux, les idoles fracassées, la fin de l'art déclarée, il ne reste qu'à recommencer. A recoller les morceaux dans un ordre différent, à faire avec les débris des idoles de nouvelles divinités. La deuxième moitié de l'exposition est tout entière consacrée à cette reconstruction, alors que dans les rétrospectives précédentes, telle celle du Carré d'art de Nîmes en 2010, cette partie était plus réduite et la vision générale de l'œuvre différente.

Cela est dû à une donnée particulière : Adrien Maeght était un ami proche de l'artiste et conserve beaucoup des principales oeuvres de sa dernière période, les années 1980. Longtemps, elles sont restées invisibles. Ici, à la Fondation, chez Adrien Maeght, elles triomphent si largement que l'on en trouve dans toutes les salles, y compris en dehors de la rétrospective, en compagnie de Joan Mitchell et de Pierre Bonnard.

Ce sont des ensembles, souvent des rouleaux de plusieurs mètres de long, la plupart à fond noir, sur lesquels, par le collage, la peinture et le mot, le peintre récapitule l'histoire de son art depuis Lascaux et les statues néolithiques jusqu'à Giacometti, Picasso et lui-même. En dépit de leur ampleur, en dépit de leur côté "musée imaginaire" à la Malraux, ils échappent à la grandiloquence.

Dans la manière de glisser d'une forme à une autre, dans le tressage de l'"action painting" et du graffiti, dans les éclaboussures, on sent la jubilation retrouvée. Toute inhibition transgressée, se permettant le très grand format et libérant son geste des contraintes qu'il s'infligeait au temps de la photo peinture et même au temps des Croûtes, Gasiorowski fête ses retrouvailles avec sa vieille maîtresse adorée. Il y a là Le Chemin de peinture, de cinquante mètres de long, les Stances, qui en font quarante, et la fabuleuse suite des Cérémonies.

Leur auteur y voyait un début. On ne peut y voir aujourd'hui qu'une admirable fin. Gasiorowski est mort brutalement durant l'été 1986.

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