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Jérôme Ferrari

Posted on January 2 2013, 20:08pm

Categories: #isabelle goude

Jérôme Ferrari

PRIX GONCOURT 2012 :

LE SERMON SUR LA CHUTE DE ROME.

Né en 1968 à Paris, Jérôme Ferrari est professeur de philosophie et conseiller pédagogique au lycée français d'Abou Dhabi depuis la rentrée, après avoir enseigné au lycée international d'Alge,r puis au lycée Fesch d'Ajaccio. Ce quadragénaire à la silhouette juvénile et au regard intense, qui refuse de se dire philosophe, a bâti en six romans une œuvre d'une grande puissance poétique, où alternent la spiritualité, le cocasse et le drame.

Plus encore que dans ses précédents romans, Dans le secret (2007), Balco Atlantico (2008), Un dieu un animal (2009) ou encore Où j'ai laissé mon âme (2010), Prix roman France Télévisions, l'auteur envoûte par la beauté de son écriture, à la fois imprégnée du souffle des sermons antiques et terriblement moderne. Le fameux sermon de saint Augustin a été prononcé en 410, dans la cathédrale disparue d'Hippone, devant des fidèles désemparés après le sac de Rome. Augustin les rassure : "Le monde est comme un homme : il naît, il grandit, il meurt." Ce seul passage et les têtes de chapitre du roman sont extraits du sermon.

Le livre emporte le lecteur dans la montagne corse. Un vieil habitant, Marcel Antonetti, est rentré au village ruminer ses échecs. A la surprise générale, son petit-fils Matthieu renonce à de brillantes études de philo pour y devenir patron du bar du village, avec son ami d'enfance, Libero. Leur ambition ? Transformer ce modeste troquet en "meilleur des mondes possibles". Les débuts sont prometteurs. Mais bientôt l'utopie vire au cauchemar. Les ex-apprentis philosophes sont frappés par la malédiction qui condamne les hommes à voir s'effondrer les mondes qu'ils édifient.

Jérôme Ferrari

Autre livre de Jérôme Ferrari, écrit en 2008. Réapparaissent d'ailleurs dans "le sermon sur la chute de Rome" les personnages et le village corse.

Balco Atlantico

"c'est avec une certaine excitation teintée d'appréhension que j'ouvris Balco Atlantico, craignant de voir déçues mes espérances. Craintes levées dès les premières pages qui m'emportèrent d'une traite jusqu'à la fin d'un roman qui m'est apparu comme un pur chef-d'œuvre.

Pourtant, ce dernier ne reçut aucun accueil dans la presse écrite lors de sa sortie en 2008. Honte aux critiques professionnels de n'avoir su déceler le livre d'un grand écrivain, publié de surcroît chez un éditeur de qualité, Actes Sud, dont la renommée est depuis longtemps acquise!

Car la beauté de la langue frappe dès les premières lignes et, quels que soient les points de vue narratifs adoptés ou le degré d'intégration des dialogues dans le récit, il existe bien «un style Ferrari», un style fait de fluidité qui se joue de la longueur des phrases grâce à une ponctuation totalement maîtrisée et sait glisser d'un temps à l'autre, d'un lieu ou d'un personnage à l'autre, de manière subtile, indépendamment de la fragmentation ou non du récit. Une écriture sensorielle qui donne non seulement à voir, mais à entendre, à sentir et à ressentir, à saisir par le coeur, illustration de la puissance métaphorique de la littérature qui seule peut approcher la vérité de l'humain, et de sa supériorité manifeste sur le langage dangereusement cohérent des prétendues «sciences» de l'homme ...

.../...

le récit se fragmente en trois fils distincts : deux fils parallèles se déroulant en sens inverse, celui d'un professeur d'ethnologie schizophrène, nostalgique de son passé, qui s'enfonce au plus profond de la mémoire pour tenter de redonner unité à son chaos intérieur au risque d'être absorbé par l'infini qu'il côtoie, et le fil «pédagogique» d'un narrateur extérieur remontant le temps pour expliquer la genèse de ce violent fait divers à travers le rêve de jeune fille de Virginie et les dérives du nationalisme corse.

S'intercalant entre ces deux voix, le fil léger d'Hayet, jeune marocaine ayant suivi son frère en Corse, épouse la chronologie de leur aventure comme une succession de courts moments de vie, simples mais intenses, venant croiser les deux autres récits comme de fulgurantes réminiscences." (Médiapart, 12/06/2009)

Jérôme Ferrari

autre roman, paru en 2010, superbe...

Où j'ai laissé mon âme

chroniques littéraires de la rentrée.com

31/08/2010

"Depuis qu’il est publié par Actes Sud, Jérôme Ferrari nous offre un livre par an et réussit toujours à en maintenir la qualité à un niveau élevé.

Son dernier roman, Où j’ai laissé mon âme, ne déroge pas à la règle et me semble même le plus beau.

C’est un roman philosophique qui reprend bien des thèmes habituels de l’auteur mais se démarque nettement des précédents.

Il s’appuie en effet sur notre histoire récente, sur l’institutionnalisation de la torture et des exécutions sommaires pendant la guerre d’Algérie qui a fait couler beaucoup d’encre, notamment à l’occasion des aveux tardifs des principaux officiers qui s’étaient tristement illustrés pendant la bataille d’Alger. Et il prend comme héros principal un orgueilleux militaire chrétien soudain «mis à nu», pris de remords mais incapable de surmonter sa honte.

Un roman différent également car il se déroule essentiellement en Algérie et non en Corse – l’île y est peu évoquée -, un pays où l’auteur a enseigné pendant quatre ans il y a quelques années.

Sans doute est-ce en partie cette proximité qui donne autant de profondeur à ces interrogations universelles sur le bien et le mal et le sens de la morale, sur le courage et la lâcheté, la liberté , la responsabilité et la fraternité, ainsi que sur la foi en l’amour et la rédemption possible, et fait sourdre une telle émotion. Y contribue aussi certainement la nostalgie qui imprègne les pages algériennes de ce livre .

Jérôme Ferrari aborde ce sujet historique encore sensible et riche de questionnements philosophiques avec une grande habileté en recourant à la puissance poétique des grands mythes qui ont imprégné la culture européenne.

La combinaison des mythes fondateurs judéo-chrétiens ayant trait à la damnation et à la rédemption – problématique centrale du livre – avec celui de Faust, repris par Goethe et revisité par Boulgakov au XXème siècle, s’avère magistrale. L’assimilation de Faust à Ponce Pilate et son rapport à Yeshoua Ha-Nostri, empruntés au Maître et Marguerite, répondent en effet parfaitement à la réalité des personnes et des événements ayant inspiré à l’auteur les personnages du capitaine Degorce, chargé de conduire la bataille d’Alger, et de Tahar, son illustre prisonnier qu’il abandonnera à la mort . Et Jérôme Ferrari apporte à ces derniers, mais aussi à Satan, le lieutenant Andreani chef de la section spéciale chargée des basses besognes, et à Marguerite, Jeanne-Marie, l’ épouse maternante du capitaine , un traitement original tout à fait intéressant , modifiant et enrichissant le mythe à son tour, tout en prolongeant la fascinante mise en abyme du roman de Boulgakov.

La construction est, comme toujours, complexe mais nullement déroutante tant elle est en adéquation avec le propos.

Deux narrations décalées se recoupent et s’équilibrent, deux fils narratifs tissant entre un diable à la fonction révélatrice capitale et un Faust ayant perdu son âme un maillage étroit enserrant également le lecteur .

Dans le premier qui semble s’affranchir du temps et de l’espace , le lieutenant Andreani s’adresse avec une étrange douceur au capitaine Degorce, livrant ses souvenirs au travers d’un passé commun en Indochine et éclairant ce que ce dernier a toujours voulu ignorer . C’est une voix d’outre-tombe, expression d’une âme damnée, une voix perturbatrice qui semble s’imposer comme le murmure éternel de la conscience.

Dans le second, un narrateur extérieur à la troisième personne s’attache aux faits et investit les pensées d’un héros écartelé entre la réalisation et l’acceptation progressive de son ignominie, répondant aux incitations démoniaques, et son impossibilité à avouer ses fautes à sa femme malgré ses tendres sollicitations épistolaires.

Le récit adopte par ailleurs une construction hautement symbolique qui semble l’inscrire dans une courte et précise période de l’année 1957, mais dont la portée excède largement le cadre temporel annoncé – ce qu’indiquent à la fois sa durée de trois jours et sa date initiale qui n’ont rien d’anodin.

Et on retrouve avec plaisir le style si caractéristique de l’auteur , une mélodie continue dont la beauté atteint , dans le premier fil, une sorte d’apothéose finale apaisante qui résonne comme L’enchantement du Vendredi Saint *.

Où j’ai laissé mon âme , beau titre large d’interprétations par son imprécision géographique, l’ambivalence de ses termes et sa formulation à la première personne, résume bien la spécificité et la portée de ce roman. Le «où» fait en effet implicitement référence à l’Algérie mais s’étend également à tout autre lieu , «laisser son âme» signifie autant perdre sa dignité d’homme que donner une part de soi-même et le «je», polyvalent, émane à la fois d’un héros avili et d’un auteur exprimant sa tendresse pour un pays frère tout en pouvant être endossé par chacun d’entre nous.

Un grand livre, profondément humaniste , dont j’approfondirai l’analyse plus tard, après en avoir donné deux extraits incitant à sa lecture , car je ne voudrais priver quiconque du plaisir de sa découverte !"

Jérôme Ferrari
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